« Moi, Corinne Dadat », nous invite au regard psychosociologique

« Moi, Corinne Dadat », nous invite au regard psychosociologique

Souvent le théâtre amène à écrire un texte et à choisir des acteurs. Mohamed El Khatib a rencontré une femme de ménage, Corinne, et ça lui a donné envie d’écrire une forme de documentaire de théâtre. Il livre une réalité crûe qui apostrophe le spectateur, l’invitant au questionnement. « Je ne me vis pas comme metteur en scène mais comme animateur de rencontres ». Et il nous invite à la rencontre de Corinne. 
 
L’envie de Mohamed El Khatib c’est de sortir d’un théâtre qu’il qualifie de bourgeois parce qu’il s’adresse à une catégorie CSP plus. Il a envie de s’adresser à un public plus large. Il veut faire venir sur scène les gens qui ne viennent habituellement pas au théâtre. A cet endroit il rejoint l’engagement de Wajdi Mouawad, directeur de la Colline, qui veut faire de son théâtre un lieu de rencontre. Prendre la responsabilité de mixer les publics. Et parmi ces gens, il y a donc Corinne Dadat qu’il a rencontrée alors qu’il répétait avec sa troupe. Elle venait faire le ménage. Ils se croisaient, elle ne répondait pas à ses « bonjour ». Un jour, il l’interpelle sur le fait qu’elle n’y répond jamais. Elle lui oppose la quantité de silences qu’elle a reçusde sa place de femme de ménage. Alors elle ne dit plus bonjour.  
 
Et voilà Corinne Dadat sur scène, la vraie, celle qui a 54 ans, qui vient de Bourges, avec sa blouse de travail. Elle nous regarde, derrière ses lunettes, avec ses cheveux blonds. Elle nous parle de son corps fatigué. Entre une interview filmée à côté des toilettes, l’interpellation du public sur la nudité d’un métier, une danse de Corinne avec sa grosse machine de lavage, Mohamed El Khatib brosse le portrait d’une femme « invisible ». On est saisi par cette femme qui fait face, la fatigue des gestes répétés dont elle parle, l’interrogation des conditions de son travail, la nudité de sa présentation, la place de son métier dans notre société, le mépris qu’elle ressent pour « ces gens de l’ombre », son regard sur l’actualité…
 
Elodie, la danseuse, présence discrète et forte sur scène, crée un contrepoint au retentissement de Corinne. Elle contorsionne ses doutes et sa vulnérabilité, elle s’excuse de son manque d’ambition, tout en mettant la puissance de son corps dans la danse. Jusqu’à utiliser sa longue chevelure pour passer la serpillère. Serait-ce un passage de relais ?
 
La fin du spectacle nous laisse un peu au milieu du gué parce qu’on aimerait passer un moment avec Corinne Dadat, la danseuse et Mohamed El Khatib. Discuter à partir du regard de Corinne sur ses conditions de vie, échanger nos points de vue sur le travail, déplier les intentions de l’auteur, parler de la vie à partir de nos places, faire porter nos voix et détricoter leur implication sociétale.  
 
Théâtre de la Colline, du 22 Mars au 1er Avril 2017
http://www.colline.fr/fr/spectacle/moi-corinne-dadat
https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-24-mars-2017
 

Psychosociologie | Publié le


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